A votre service (Gabrielle&Tara)

La tête pleine de rêves, pleine de projets. De soie et de dentelles, de coups de crayons minutieux et raffinés. Elle quitte son appartement pour rejoindre ce petit café qu'elle aime bien dans le centre de l'île, comme presque tout les matins. Son petit rituel avant une journée de création. Elle déborde déjà d'idées si bien qu'elle chantonne tout au long de la route en affinant, dans son esprit, les détails de la nouvelle réalisation qui l'entête. Elle n'a qu'une hâte, la demoiselle, celle s'arriver assez  rapidement au café pour expédier sa boisson et rentrer dessiner cette merveille, de sort que celle-ci cesse de l'obséder comme elle le fait depuis le matin. C'est que la demoiselle a peur, peur d'oublier les idées qui fusent dans son esprit et qui menacent déjà de ne pas la laisser savourer tranquillement sa boisson chaude. Mais elle commence à avoir l'habitude, elle a souvent l'esprit un peu ailleurs Gabrielle, l'esprit un peu torturé par ses pensées, par de nouvelles créations.

Il y a un peu de monde quand elle entre ce matin et la file n'avance pas vraiment. Pourtant la demoiselle ne dit rien, elle ne râle pas et se contente de prendre son mal en patience, sortant son téléphone dans un même temps pour noter toutes les idées qui lui passent par la tête de sorte qu'elle les ait sous la main et ne les perdent pas. Devant elle, les gens rouspètent un peu contre un service jugé trop lent. Ça arrive, la jeune femme le comprend tout à fait. Mais pas tout le monde. Soit. Elle ferme son téléphone après avoir éteint l'écran, pour porter son regard sur la carte accrochée à eux pas. Elle prendra la même chose que d'ordinaire pourtant. Parce que ce petit café, doux, avec cet arrière goût de caramel est tout ce qui se fait de mieux dans cette boutique, selon les papilles de la demoiselle.

Enfin, le comptoir est atteint et la demoiselle adresse un large sourire à l'employée installée derrière celui-ci, qui prendre les commandes et se charge de les réaliser. Poliment, Gabrielle la salut d'un bonjour, avant d'ouvrir la bouche de nouveau, prête à demander ce qu'elle veut. Mais elle s'arrête net devant l'air de la serveuse qu'elle connaît pourtant à) force de venir ici et qui semble avoir aujourd'hui une bien petite mine.

«- Excusez-moi mais... quelque chose ne va pas, mademoiselle ?» s'enquit la jeune femme en levant un sourcil.

Il n'y a plus personne, après elle. Alors la jeune créatrice a bien quelques minutes pour se montrer humaine envers cette femme qui ne semble pas au mieux de sa forme, pas aussi pétillante que d'ordinaire.

Il y a quelque chose qui ne semble pas aller chez la serveuse, aujourd'hui et Gabriella le remarque rapidement, probablement parce qu'elle est une habituée des lieux. Elle y vient tout les jours après tout et ce depuis pas mal de temps à présent. Avec Tara, elles ont déjà parlé quelques fois, pendant que la demoiselle derrière le comptoir s'occupait de la commande de la créatrice. Quand il n'y avait pas trop de monde. Alors cette fois, Gabi remarque que quelque chose ne va pas chez la demoiselle et elle s'en inquiète, d'ailleurs, demandant ainsi si quelque chose ne va pas. Elle n'est probablement pas la mieux placée pour que son interlocutrice se confie à elle, mais malgré tout la demoiselle demande. Parfois parler à un inconnu peut faire du bien. La jeune femme reste polie néanmoins, ne cherchant pas à savoir coûte que coûte ce dont il est question non plus. Si son interlocutrice ne veut rien dire, alors Gabriella n'insistera pas en sachant évidemment qu'elle n'est pas la mieux placée pour cela.

«- Je vois... J'espère que ça ira mieux bientôt, dans ce cas.» répond la créatrice en adressant à son interlocutrice un sourire compatissant, avant de répondre à la question de son interlocutrice au sujet de sa commande du jour, puisqu'elle n'est pas ici pour causer mais bien pour acheter un café, initialement. «Oui la même chose s'il vous plaît.»

Plus besoin de dire ce qu'elle veut, la demoiselle a ses habitudes ici et Tara le sait parfaitement bien, depuis le temps. La jeune femme déroge très rarement à son habitude pour goûter les nouveautés. Mais la plupart du temps, Gabriella s'en tient à son café à l'arrière goût de caramel. Elle ne cherche jamais rien de trop compliqué, la demoiselle, jamais rien de trop élaboré. Et ce café a sa faveur.

«- Oh ça va. Comme un début de journée de travail.» affirme la demoiselle.

Mais son travail, la jeune femme l'adore. De tout son être. De tout son cœur. Elle allume une étincelle de bonheur dans le regard de ses clientes, qui s'apprêtent à vivre le plus beau jour de leurs vies. Elle fait vivre la soie et la dentelle sur ses feuilles à dessins, l'organdi et l'organza. Le tulle et le taffetas. Pour que ses couturiers donnent par la suite de la poésie aux tissus, aux perles, aux broderies.

«- Alors ça va !»

De toute évidence, Tara n'a pas l'air de penser que les choses vont s'arranger comme le lui souhaite Gabriella, sous-entendant même au passage qu'en réalité, tout pourrait empirer. Gaby espère que Tara se trompe et que la vie lui sera bientôt plus clémente, bien qu'elle ne sache pas ce que la demoiselle peut traverser qui lui fasse tenir un tel discours, aussi peu optimiste. Elle est désolée pour la jeune femme, désolée en même temps qu'elle espère qu'il n'y a rien de trop grave, sinon une mauvaise passe qui pousse son interlocutrice à voir le verre à moitié vide, comme ça arrive parfois quand les contrariétés ont tendances à s'enchaîner, même sans être trop grosses.

«- J'espère que le temps vous fera mentir dans ce cas.»

Mais elle ne comprend pas ce qui ne va pas Gabriella, parce que Tara en a trop dit et pas assez dans un même temps. Ça ne la regarde pas, tout ça, mais sa curiosité malgré tout est piqué au vif et elle s'interroge sur ce qui peut animer de tels propos chez son interlocutrice, tout en se doutant qu'elle n'aura pas de réponses à cette question qu'elle ne compte pas poser. Parce qu'elle ne va pas se mêler à ce point de ce qui ne la regarde pas, Gaby. D'autant plus que la jeune femme lui faisant face décide de changer de sujet subitement pour se focaliser sur ce que fait la demoiselle et le boulot qu'elle doit connaître en ce moment.

«- Oui c'est le moment où mes couturiers ont quelques retouches à anticiper, parce que beaucoup de mariés se lancent dans de gros régimes à l'approche de leurs mariages, obligeant à reprendre les robes après des pertes parfois spectaculaires en un mois ou deux. Les filles prennent les mesures le plus tard possible pour éviter ce genre de problèmes, mais malheureusement, on parvient bien souvent à les surprendre.» avoue la jeune femme. «Pour ma part, j'ai moins de travail, je m'occupe surtout des retardataires parce que tout le monde ne pense pas à s'occuper de sa robe huit ou neuf mois à l'avance. J'ai d'avantage de travail après l'été justement, pour commencer à préparer les mariages de l'année suivante. Disons que ça commence plutôt vers novembre, en général.»

Elle prend son gobelet de café en remerciant Tara qui prend sa pause au même moment en constatant que la file se termine avec la commande de la créatrice de robes de mariées, ce qui lui permet de souffler et de reprendre peut-être un peu du poil de la bête avant d'avoir à accueillir une nouvelle salve de patients. Et comme Tara se prépare un café en piquant un muffin, elle fait remarquer qu'il y a des avantages à travailler au café, arrachant un rire à Gabriella.

«- Oui, c'est ce que je vois !» remarque la demoiselle. «C'est plutôt un bon avantage, qui plus est !»

«- Vous n’imaginez pas tout ce qu’une femme est capable de s’infliger pour espérer être la plus belle le jour de son mariage, c’est affolant. Y’en a qui doivent perdre un os dans le processus, je suis surprise que ça n’arrive pas plus souvent.»

Le mauvais côté de son travail, en somme, c’est d’être témoins de tout ça, de cette course à la beauté, à la maigreur, pour être la plus fine possible pour le plus beau jour de leurs vies, en mettant parfois la santé en danger, parce que rien n’importe plus à leurs yeux que l’objectif déraisonnable qu’elles se sont fixés. Alors que les robes sont cousues pour elle, conçues pour elles et les mettront forcément en valeur. Elle passe du temps sur ces questions à Gabriella, pour allier respect des souhaits de la patiente et morphologie, pour les accompagner dans ce choix crucial de la robe de mariée et en faire les plus belles pour leur grand jour.

«- Vous m’en voyez ravie. Il est vrai que je reçois de nombreux commentaires tous plus adorables les uns que les autres sur les réseaux sociaux.»

Parce qu’il n’y a rien de mieux pour se faire connaître en 2019. Enfin, ça et le bon vieux bouche à oreille que mentionne si justement Tara, car beaucoup de futures mariées viennent aussi la voir après avoir vu l’une de ses créations au mariage d’une amie, d’une collègue, d’une cousine ou d’une connaissance. Ce qui prouve que la demoiselle fait du bon boulot tout en faisant ce qu’elle aime alors rien ne peut d’avantage la combler.

Emboîtant le pas à son interlocutrice elle s’installe avec elle à une table vide comme cette dernière peut s’offrir quelques minutes de pause et elle plaisante sur le fait que cette dernière semble en effet profiter des quelques avantages qu’il y a à travailler dans un tel endroit. Mais à entendre Tara, ils ne sont pas nombreux.

«- Voir le positif en chaque choses, c’est important. Et il est vrai que le personnel a l’air plutôt bien ici. Il y a des établissements qui semblent plus stressants pour les employés.»

Elle-même fait ce qu’elle peut même en cas de crise, de panique, de coup de stress, pour ne pas être désagréable, pour que ses employés n’aient pas à se plaindre d’elle, mais ce n’est pas bien difficile, parce que Gabriella a du mal à hausser la voix, ne sait pas être méchante. Tout le monde le dit, elle est souvent bien trop gentille pour ça. Alors bosser pour elle c’est loin d’être une plaie.

«- Oui, j’imagine. Les rencontres humaines sont ce qu’il y a de plus enrichissant.» remarque-t-elle.

Et elle en sait quelque chose vu son propre job.

«- C’est plus de travail, mais on ne facture pas le coût les retouches. Comme ce sont des robes sur mesures, faites mains, il est normal que l’on s’adapte à ce genre d’aléas. Alors on ne va demander une compensation que si le travail de retouches est vraiment trop important. Ça arrive parfois qu’il faille refaire presque entièrement la robe à quelques jours de la cérémonie mais ça reste rare. Heureusement !» explique la jeune femme.

Parce que face à elle, se trouve une novice en matière de mariage, d’après ce que la jeune femme comprend des révélations que lui fait Tara. Alors que pour sa part, évidemment, le mariage est synonyme de rêve. Cela fait des années que la demoiselle rêve de son propre grand jour, des années qu’elle se perd à imaginer des robes de mariées, de demoiselles d’honneur aussi. Qu’elle se perd dans le tulle et la dentelle, la mousseline et la soie, pour créer des robes toutes plus personnelles les unes que les autres. Parce que parfois sur ces morceaux de tissus, c’est toute l’histoire du couple qui se raconte.

«- Merci»

Au fond, ça la gène un peu de recevoir de telles éloges, parce que la demoiselle est restée humble malgré son succès. Malgré la difficulté des commandes qu’elle doit parfois réaliser. Elle garde les pieds sur terre, Gabriella, sûrement grâce à ses proches, que ce soit sa famille et ses amis, qui lui rappelleraient toujours d’où elle vient, si elle commençait à se perdre, si le succès commençait à lui monter à la tête. Mais pour l’heure, le melon ne semble pas arriver.

Acceptant de se joindre à Tara le temps de sa pause, la demoiselle l’écoute parler de son job et des bons côtés de celui-ci, un métier dans l’humain, au contact avec les autres et qui apporte donc forcément des choses, des échanges, comme en témoigne leur propre discussion, débutée sur le lieu de travail de Tara, alors que sa cliente a remarqué que cette dernière n’était pas dans son assiette aujourd’hui. Parfois, dans ce genre de métiers, on est amené à rencontrer des gens, à les côtoyer si souvent, qu’il devient facile, alors, de voir quand ça ne va pas et leur tendre une main salvatrice, parfois.

«- Tout à fait ! Quand à Wall street, même si ça peut vendre du rêve sur le papier, sur certains aspect, je pense que je n’irai travailler là-bas pour rien au monde. Ici c’est nettement plus humain, plus convivial.»

Quand on prétend faire de la robe de mariée sur mesure, faire des retouches à quelques jours du mariage est quelque chose de normal mais comme le souligne son interlocutrice, ce n’est pas anodin, comme travail, comme charge de boulot, quand il faut refaire presque l’intégralité de la tenue, pour la simple et bonne raison que la mariée s’est mise en tête de faire un régime énorme. Heureusement, ça n’arrive pas toujours, des transformations spectaculaires. Mais ça arrive de temps en temps, à croire que les mariés se fixent toutes ce genre de challenge à l’approche de leur grand jour. Gabriella s’est toujours promis de ne pas suivre le même chemin. Mais il faut dire qu’elle aurait bien du mal, elle qui est toujours si fine, toujours si frêle.

«- Ils travaillent à trois par robes.» indique la demoiselle comme la question lui est posée.

Ils. Parce que même s’ils sont plus rares, il y a quelques hommes qui travaillent pour elle, dans l’atelier de couture. Rien de bien surprenant à cela quand on y pense et quand on se souvient du nombre de grands noms masculins qui marquent le monde de la mode tels que Christian Dior, Yves Saint-Laurent et bien d’autres. Les hommes dans le milieux, cependant, sont surtout dans les sommets. Au bas de l’échelle on trouve surtout des femmes. Un peu comme en cuisine, où les femmes font la cuisine à la maison, tandis que beaucoup de grands, très grands, restaurants sont tenus par des hommes.

Elles parlent du boulot de Tara, toutes les deux, évoquant les points forts, appréciables, de cet emploi. Elles sont bien d’accord l’une et l’autre pour ne pas quitter leur petite île. Alors que Gabriella mentionne Wall Street et le cadre professionnel qui doit être celui de la populace, là-bas, Tara avoue préfère, de loin, leur chère île. Pas qu’elle n’aime pas les voyages, mais comme Gabriella, où qu’elle aille, elle reviendra toujours ici.

«- Voilà bien un avis que je partage !» souligne la demoiselle.

Le reste des propos de son interlocutrice la saisie, comme celle-ci évoque sa mère à l’hôpital. Gabriella est désolée pour elle, alors qu’elle ignorait totalement cela. Et d’une certaine façon, elle se rend compte qu’elle a indirectement mit les pieds dans le plat. Alors elle culpabilise, la demoiselle.

«- Je suis désolée… C’est grave ?»

Non, le mariage ce n’est pas que pour les femmes, comme le remarque Tara et Gabriella embauche ainsi même des hommes. Parce qu’ils aiment les mariages, ou la couture, ou la mode. Ils ont tous leurs propres raisons de travailler pour elle. La demoiselle se moque de savoir que des hommes dans un tel domaine, ce n’est pas très classique. Tu moment qu’ils bossent bien, elle ne voit pas le problème, si ça leur plaît. Ils sont libres, après tout. Gaby part de ce principe là, en tout cas. S’ils veulent bosser dans l’univers du mariage, c’est leur problème après tout. Elle acquiesce d’un mouvement de tête.

«- Bonne déduction, il y a effectivement quelques hommes qui font parti de l’équipe de couture. Par amour de la mode, par passion pour les mariages… ils ne sont pas nombreux mais il y en a quelques uns en effet.»

Est-elle fière de ce qu’elle a put accomplir avec le temps ? Oui, évidement. La jeune femme sait qu’à son âge, beaucoup galèrent pour trouver un emploi. Mais elle sait aussi qu’elle a eut de la chance et qu’elle a put compter sur ses proches pour parvenir à ses fins. Sans eux, elle n’aurait peut-être pas réussi. Mais la qualité de ses robes et de son service, ça, c’est à elle que la demoiselle le doit. C’est aussi du travail et de l’investissement de sa part.

«- Plutôt oui. Même si je sais aussi que j’ai reçu beaucoup d’aide pour y arriver !»

Elles parlent de leurs vies tranquilles ici, toutes deux bien d’accord sur le fait qu’elles ne voudraient jamais aller à new-York pour y habiter. La vie y est bien trop pressée et stressante, pour ce que la demoiselle en sait. Gaby ne pourrait jamais se sentir bien dans une telle ville. Et puis elle aime beaucoup trop son île pour songer à en partir un jour, même s’il n’y a pas ici toutes les excitations que l’on peut avoir dans une ville plus grande.

«- Ce n’est pas juste le bout de terre mais également sa culture et tout ce qu’il y a ici.»

Elle a toute sa vie là, Gabriella alors partir, pourquoi ? Sa meilleure amie est ici, ses parents aussi. Elle ne voit pas pourquoi elle quitterait son île, la demoiselle. Tara non plus n’a pas de raisons de partir alors que sa maman est ici. Une maman malade. Gabriella se raidit un peu en entendant cela, grimaçant au passage. Ce n’est pas une bonne nouvelle. Est-ce grave ? Il semble que malheureusement oui. Tara ne veux pas la déranger avec ça. Mais si elle a besoin de parler, la blondinette est prête à écouter.

«- Vous ne me dérangez pas du tout.» assure la demoiselle.