my family (Mabel&Tara)

Ses vingt-et-un ans avaient été fêtés par toute l’île. Mabel était recouverte de cadeaux par tous, du plus connu à l’inconnu de passage qui lui offre un petit sourire. Elle avait rarement été aussi satisfaite d’un anniversaire, car en temps normal elle n’appréciait que peu cette ambiance festive qui la mettait à l’honneur simplement grâce à sa naissance. Maintenant elle était pleinement adulte et tout semblait aussi compliqué qu'auparavant, mais elle vivait sur une constante : le boulot, les amis, la famille. De légers bouleversements arrivaient tantôt à droite ou à gauche, notamment son frère qui allait être papa dans quelques mois, ou son attirance pour un brun qui se révélait très prenante au niveau des pensées. De même, la brune se rapprochait peu à peu des personnes de son âge qui ne l’avaient pas tant attirée dans leur scolarité et elle découvrait de belles personnes, notamment Nell, avec qui elle travaillait au vidéo-club. Sa vie allait vers un positif constant, sauf côté cœur où elle se brûlait les ailes, donc elle ne pouvait se plaindre. Son anniversaire était même réussi, pour une fois ! Une seule personne avait manqué au tableau : Tara. Les deux cousines se connaissaient depuis la naissance de Mabel et, malgré les quelques années de différences, elles demeuraient très proches. Presque aucun secret ne résidait entre elles, comme entre les deux familles. Tous deux de condition relativement précaire, elles s’étaient aidées entre elles par simple esprit de solidarité et de famille. C’était important d’entretenir ce lien unique entre deux branches d’une même famille, surtout sur un îlot comme sur lequel ils se trouvaient, surtout à une telle proximité – ils étaient même voisins.

Ce soir, pour rattraper son retard, Mabel avait invité sa cousine pour fêter son anniversaire. Rien de très formel, juste une petite soirée entre elles, simplement pour marquer l’événement. Elles organisaient régulièrement des soirées filles, mais la dernière commençait à remonter à un moment. Les cousines avaient été prises par le temps, et le travail surtout. Ainsi, Tara était invité à vingt heures, donc viendrait à la demie. Mabel la connaissait presque comme sa sœur ; d’ailleurs elle la considérait quasiment comme sa grande sœur, tant elles avaient pu passer de temps ensemble à échanger sur leurs problèmes, sans aucun tabou – car la grande sœur de Mabel était vraiment différente d’elle ce qui lui permettait moins de se sentir à l’aise sur certains sujets. La seule différence résidait en ce que Tara s’occupait aussi de sa mère malade et vivait quelques mètres plus loin. La situation des familles n’était pas vraiment simple d’un côté comme de l’autre avec deux parents malades. En attendant, elles se tenaient au courant l’une de l’autre des états respectifs de santé de leurs parents, puis détendaient l’atmosphère car la douleur demeurait la même. Lorsque Tara sonna enfin à la porte, Mabel était au fond du canapé et ne prêtait pas vraiment attention à la publicité qui s’affichait sur l’écran de la télévision, tant elle était aspirée par son portable. Elle pianotait des messages à Nell pour s’organiser au travail. La brune abandonna tout ses appareils électroniques pour ouvrir à sa cousine qui lui souhaita immédiatement un bon anniversaire sans s’excuser de son retard prévisible.

Mabel lui sourit immédiatement : « Merci ma belle, bien sûr je ne t’attendais pas à l’heure ! » Elle débarrassa sa cousine du pop-corn et du soda qu’elle tenait entre les mains pour le poser dans la cuisine. Tara était chez elle ici aussi, elle ne douta pas qu’elle lui emboîte le pas pour la rejoindre. « Je suis vraiment très contente que tu sois là, ça fait trop longtemps. Bon : quoi de neuf alors ? » Demanda-t-elle avec la curiosité qui la caractérisait tant. Cette question intégrait tous types de nouvelles, tant sur le travail, que sur la vie sentimentale, familiale ou autre. Une mise à jour devait être faite dans les plus brefs délais, tant leur dernière rencontre était lointaine. Volt, leur chienne, traînait dans la cuisine et semblait même écouter d’une oreille distraite leur conversation. Mabel se hissa sur le plan de travail en ouvrant une bouteille de soda et d’en boire des goulées gourmandes.

Tara était sa famille la plus proche, et elle s’était toujours désolée que la belle ait été fille unique. Ainsi, elles purent être presque sœurs pour compenser le fait que la Donovan ne vivait qu’avec sa mère. L’abandon du père n’était pas non plus une des choses des plus heureuses qui soit arrivées à Tara ; ainsi les King ont rapidement pu se proposer comme famille alternative, de substitution. Ils formaient un grand tout avec la maman de Tara, c’était quelque chose de très fort qui les unissait tous. Mais la maladie, fléau contre lequel nul ne peut rien, les avait bien vite rattrapés. Tara avait souffert suffisamment jusqu’à présent pour en plus devoir affronter cela seule ; ainsi, Mabel s’était constamment montrée présente pour elle, en l’aidant à porter cette souffrance. Une jeune femme de la vingtaine ne se devait pas de vivre cela seule, c’était trop tôt pour s’enfermer dans un cercle de douleur. Tara n’en faisait qu’à sa tête, elle passait ses journées à l’hôpital à veiller sa mère, lui parler de temps en temps lorsque celle-ci était éveillée. Mabel allait régulièrement voir sa tante, mais elle n’avait pas grand-chose à lui dire ; elle se contentait de lui raconter des anecdotes et ses journées. Ses histoires semblaient plaire à sa tante qui était malheureusement confinée dans sa chambre. Elle voyait son père guérir et sa tante stagner. C’était assez frustrant d’un côté, car elle avait toujours pensé que les deux s’en sortiraient ensembles, comme poussés par la même volonté de fer. Mais la réalité est parfois bien différente de ce que l’on planifie.

Tara était pourtant là malgré un retard évident et pardonné. Mabel soupçonnait qu’elle avait passé l’après-midi à voir sa mère, ce qui se confirma avec ses paroles. Décidément, elle lui disait vraiment tout ! Mais cela donnait peut-être du courage à sa mère de guérir, de voir sa fille s’épanouir malgré tout. Volt semblait fatigué de sa journée avec Mabel et il ne manifestait plus trop d’émotions quant à la venue de Tara, comme s’il sentait de mauvaises nouvelles arriver. Ils avaient passé l’après-midi à jouer autour de l’île, comme Mabel faisait son tour quotidien il la suivait toujours derrière ou devant, courant avec la langue qui pendait. Mais là, il avait l’air triste et il quitta d’ailleurs assez vite la cuisine pour les laisser seules. « Moh, il est tout fatigué de sa journée. » Elle rassura sa cousine ; le chien lui faisait la fête d’ordinaire et son comportement était un peu étrange. « Ah la vie de chien. C’est vrai que ça serait pas mal. » Dit-elle en un sourire. Elle y avait déjà pensé ; humaine, c’était difficile de vivre, submergé par les émotions et surtout avec une raison qui modifie toute conception des choses. La vie serait tout de même plus simple sans qu’on se pose toutes ces questions. « Ça me fait trop plaisir alors, je passerai voir tata dans la semaine pour la remercier. » Elle lui cueillerait un bouquet des premières fleurs qui sortaient enfin le bout de leur nez. C’est vrai qu’il y avait au moins quelques semaines qu’elle n’était pas passée voir sa tant, elle avait été prise par son nouveau travail et ses amis. De plus, Tara n’avait pas communiqué vraiment de nouvelles non plus, Mabel ne se doutait pas que l’état de santé de sa tante s’aggravait encore. L’injustice du monde. « Euh moi écoute, rien de spécial, je suis super bien dans mon nouveau travail ! » Elle pensait à son amie Nell, avec qui elle commençait à tisser un lien amical, non sans peine. Toutes deux assises sur le comptoir – malgré les interdictions de papa et maman – les deux jeunes femmes discutaient comme au bon vieux temps, et se confiaient tous leurs secrets. La discussion avait beau être de surface, elles savaient toutes deux que le film qu’elles allaient regarder ne serait qu’un fond sonore sur lequel elles papoteraient. Les parents de Mabel étaient partis dîner chez Malo et Mairin, ainsi elles étaient tranquilles pour la soirée. « Malo a l’air super stressé de la grossesse de Mairin… » Se désola-t-elle un peu. Cela faisait un mois qu’ils avaient appris la nouvelle et depuis, Malo se comportait assez étrangement. Tara demanda ensuite quel était le programme de la soirée. Mabel sauta du comptoir et s’écria d’un air enjoué : « Mean Girls ! » Evidemment. C’était un de ses films préférés, qu’elle n’avait pratiquement regardé qu’avec Tara d’ailleurs. Mabel s’empressa de faire réchauffer un peu de popcorn, l’air malicieux accroché au visage.

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